Quels leviers pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires ?
La réduction des produits phytosanitaires est un enjeu majeur pour l’agriculture d’aujourd’hui et de demain. Ces produits représentent une charge financière importante pour les producteurs : leur réduction, si elle est menée de façon stratégique et raisonnée, est un levier clé pour améliorer l’efficience d’une ferme. De plus, le retrait progressif de nombreuses matières actives, les impacts environnementaux et sur la santé des agriculteurs qui les manipulent exigent de trouver dès aujourd’hui des solutions. Quels leviers activer pour y parvenir ?
Les leviers préventifs
Certains leviers ont un impact préventif majeur en réduisant directement la pression des adventices, ravageurs et maladies, et donc la nécessité de recourir aux traitements phytosanitaires. Parce qu’ils agissent en amont, ces leviers constituent les fondations d’une stratégie durable : mieux vaut prévenir que guérir.
Travailler sur la rotation
Allonger les rotations, alterner les familles botaniques ou encore introduire des prairies temporaires : autant de pratiques qui cassent les cycles des ravageurs et des maladies.
De même, assurer un sol toujours couvert (cultures intermédiaires, couverts végétaux) limite l’enherbement et favorise la santé du sol. Plus on “fait pousser” sur sa parcelle, moins les adventices trouvent de place.
Choix variétal et techniques culturales adaptées
Opter pour des variétés tolérantes ou résistantes aux maladies est capital, cela permet de réduire drastiquement le besoin de traitements curatifs.
Une fois les bonnes variétés sélectionnées, il est important d’adopter l’itinéraire technique adapté afin de limiter la sensibilité des cultures à savoir :
- L’écartement des rangs,
- La fertilisation, raisonnée en fonction des reliquats et en fractionnant les apports
- La date et densité de semis,
- Conditions d’implantation (structure du sol)
Les actions simples à mettre en œuvre
Certains leviers sont rapidement activables, sans besoin d’investissements lourds ou de changements radicaux des pratiques. Ils reposent avant tout sur l’observation, l’adaptation et le raisonnement agronomique.
L’arrêt des applications systématiques pour des applications basées sur l’observation
La première étape pour réduire l’usage systématique des traitements est de sortir des programmes “tout faits”. Sur le terrain, cela passe par des observations régulières : comptage des pucerons, relevé des foyers de maladies, suivi des populations d’adventices.
L’enjeu est de ne traiter que lorsque cela est nécessaire, en respectant les seuils d’intervention validés par la recherche. Ces seuils tiennent compte du niveau de pression des bioagresseurs, du stade de la culture, et du potentiel de nuisibilité.
Un accompagnement indépendant permet de poser un diagnostic objectif et adapté au contexte.

Raisonner les traitements en fonction de leur efficacité attendue et de leur rentabilité économique
Il s’agit d’évaluer, avant toute intervention, le rapport entre le coût du traitement et le gain potentiel. Cela implique de mettre en balance le prix du traitement, le prix de vente de la culture, l’impact attendu sur la culture selon son stade de développement, et les pertes de rendement possibles en cas d’absence d’intervention. Certains traitements, une fois cette analyse faite, ne s’avèrent tout simplement pas rentables ou justifiés.
L’Utilisation d’OAD (Outils d’Aide à la Décision)
Ils jouent un rôle clé pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires en aidant l’agriculteur à surveiller les conditions climatiques, anticiper les risques phytosanitaires et identifier les périodes les plus critiques.
Ils peuvent être digitaux ou prendre la forme de bulletins d’alertes et recommandations diffusées par les centres pilotes, les instituts techniques, les organismes de recherche ou d’autres acteurs de terrain indépendants. En s’appuyant sur ces données objectives, l’agriculteur peut ajuster ses décisions et intervenir uniquement lorsque cela est pertinent, évitant ainsi des traitements inutiles ou mal positionnés.
Optimisation de la pulvérisation
Sans changer de matériel, il est possible d’optimiser la pulvérisation en jouant sur les buses, la pression, le volume ou la vitesse d’avancement. Ces ajustements améliorent l’efficacité des produits appliqués et réduisent les pertes et la dérive
Les leviers nécessitant un investissement matériel
D’autres leviers demandent un effort financier ou technique, mais apportent un impact notable sur la réduction des phytos.
Opter pour des alternatives mécaniques
L’intégration d’outils comme la bineuse, l’écimeuse, la herse étrille ou la houe rotative permet de réduire les passages d’herbicides et d’éviter par la même occasion le stress qu’ils peuvent occasionner pour la culture.
Le faux-semis est une stratégie efficace et peu coûteuse : préparer le lit de semences, laisser lever les adventices, puis les détruire mécaniquement avant le semis de la culture principale.
D’autres interventions mécaniques peuvent également être intégrées selon les cultures. Par exemple, rouler les céréales avec un rouleau pour renforcer la tige et limiter le risque de verse peut remplacer l’usage de raccourcisseurs chimiques. Un sol bien structuré, moins tassé, permet également aux plantes de mieux résister aux stress et donc aux maladies.
Traitement ciblé sur la ligne
Les traitements ciblés sur la ligne, en combinaison avec un binage de l’inter-rang, permettent de limiter l’usage de produits uniquement là où c’est nécessaire.

Les techniques avancées
Enfin, certains leviers, encore peu répandus, ont pourtant démontré leur efficacité. Ils représentent une étape supplémentaire vers une réduction durable de l’utilisation des produits phytosanitaires.
Cultures associées et mélanges variétaux
Associer des espèces ou mélanger des variétés favorise la biodiversité et limite la propagation des bioagresseurs. Ces systèmes complexifient les cycles des ravageurs et maladies, réduisant ainsi la pression globale.

Favoriser les auxiliaires et le biocontrôle
En développant les habitats favorables (bandes fleuries, haies, abris), on attire les auxiliaires naturels (coccinelles, syrphes, carabes) qui régulent les ravageurs. Cette régulation biologique est un pilier de la lutte intégrée.
Les produits de biocontrôle ou molécules d’origine naturelle (fongicides qui ne sont pas de synthèse, extraits de prêle, d’ortie…) constituent aussi des alternatives, parfois utilisées en traitement préventif pour renforcer les défenses des plantes et parfois en traitement curatif.
Nutrition équilibrée
Certaines approches innovantes, comme l’analyse de sève, visent à piloter la nutrition de la plante pour la rendre moins sensible aux maladies et moins attractive pour les ravageurs. Ces techniques suscitent un intérêt croissant.
Conclusion
Chaque levier activé contribue à réduire la dépendance tout en maintenant des performances agronomiques et économiques. Qu’il s’agisse d’observation de terrain, d’adaptation des pratiques ou de recours à des innovations, l’essentiel est de construire une stratégie adaptée à son système et à son sol.